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Fribourg: Une cité de terre et de feu

Il est des villes qui ne se posent pas sur le sol, mais qui s'en extirpent. Fribourg est de celles-là. Quiconque a un jour arpenté la Basse-Ville, sous le regard impérieux des falaises de molasse, a senti cette vérité minérale : ici, la terre ne se contente pas de nous porter, elle nous enveloppe.

Ouvrir un atelier rue de la Samaritaine, ce n'est pas une décision commerciale. C'est un pacte avec la géologie. C'est accepter de dialoguer avec le ventre de la ville.


La Théologie de la Chaleur : Les Géants de Faïence

Avez-vous déjà contemplé, dans le silence quasi religieux du Musée d'Art et d'Histoire, ces monstres de beauté que sont les poêles fribourgeois ?


Au XVIIe siècle, les maîtres potiers d'ici ne fabriquaient pas de simples chauffages. Ils érigeaient des cathédrales domestiques. Ces poêles en faïence, recouverts de carreaux vernissés, n'avaient pas pour seule fonction de vaincre l'hiver helvétique.


Ils étaient des conteurs. Ils accumulaient la chaleur comme on accumule des souvenirs, pour la restituer avec une lenteur exquise. La céramique, ici, est une mémoire thermique. Elle est la peau brûlante de l'Histoire.


Barberêche, château de Grand-Vivy. André Nuoffer, vers 1760-1765 (Cliché Ilford/Ciba-Geigy, Fribourg).
Barberêche, château de Grand-Vivy. André Nuoffer, vers 1760-1765 (Cliché Ilford/Ciba-Geigy, Fribourg).

LES MAINS QUI ONT FAÇONNÉ FRIBOURG

On résume souvent Fribourg à sa cathédrale et à ses ponts. Mais si l'on gratte (littéralement) la surface, on découvre une histoire intime de terre et de modelage. Au-delà des célèbres poêles en faïence, qui sont les artistes qui ont donné à notre ville sa réputation de "Cité de Sculpteurs" ?

Voici trois histoires que vous pourrez raconter lors de votre prochain dîner (ou cours de poterie !).


Marcello : La Duchesse aux Mains Sales

Impossible de parler de modelage à Fribourg sans évoquer une figure mythique : Adèle d'Affry, alias "Marcello" (1836–1879).

Née à Fribourg (Givisiez), cette aristocrate a choisi la terre et le marbre. Parce qu'il était mal vu pour une femme d'être sculpteur au 19e siècle, elle a pris un pseudonyme masculin.


  • Le lien avec la céramique : Avant de couler ses œuvres en bronze (visibles à l'Espace Jean Tinguely - Niki de Saint Phalle ou au MAHF), Marcello travaillait l'argile et la cire pour ses études. Elle passait des heures à modeler la matière, bravant les préjugés de son rang.


  • L'inspiration : Elle incarne la persévérance. C'est la preuve locale qu'il faut se battre pour imposer sa vision artistique. La Pythie, son chef-d'œuvre, est née d'un travail acharné sur la forme et le mouvement.


Castiglione Colonna, Adèle, duchesse (dite Marcello) (Fribourg, en 1836 - Castellamare di Stabia, en 1879), sculpteur
Castiglione Colonna, Adèle, duchesse (dite Marcello) (Fribourg, en 1836 - Castellamare di Stabia, en 1879), sculpteur

2. Les Faïenceries Fribourgeoises (L'Or Bleu)

Au 18e et 19e siècle, Fribourg n'avait rien à envier à Delft ou à Nevers. La ville abritait plusieurs manufactures de faïence fine. Les familles patriciennes de la ville (les "Messieurs de Fribourg") mangeaient dans des services produits localement, souvent décorés de motifs floraux bleus ou polychromes très spécifiques.


Prise d’un vase attribué à la manufacture de Clairefontaine. Coll. privée. Sans marque. Vers 1804-1806
Prise d’un vase attribué à la manufacture de Clairefontaine. Coll. privée. Sans marque. Vers 1804-1806

  • L'anecdote historique : Ces ateliers étaient souvent situés en Basse-Ville, près de l'eau nécessaire au travail de l'argile. Ils ont disparu avec l'industrialisation, mais les tessons de cette époque glorieuse continuent parfois de remonter lors de fouilles urbaines. Fribourg était une ville d'exportation de son savoir-faire céramique !



3. Les Saints de Terre Cuite (L'Art Populaire)

Fribourg, « La Rome du Nord », est une ville de foi. Mais tout le monde n'avait pas les moyens de s'offrir des statues en bois doré ou en pierre. Il existe une tradition plus humble, celle de la terre cuite religieuse. De nombreux artisans anonymes ont modelé des vierges, des saints et des figurines de crèche en argile locale. C'est ce qu'on appelle l'art de la dévotion populaire. C'est une céramique touchante, imparfaite, humaine. Elle nous rappelle que l'argile est la matière du peuple, celle qui permet à chacun de matérialiser ses espoirs et ses prières.


Pourquoi cela compte aujourd'hui ?

En installant son tour et son four à Fribourg, Kremena ne fait pas que de l'artisanat. Elle ravive cette mémoire. Quand vous modelez un visage ou tournez un bol à l'atelier, vous vous inscrivez dans la lignée de ces faïenciers oubliés et de la rebelle Marcello. Fribourg a toujours été une ville où l'on transforme la matière. À vous de prendre le relais.





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